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Par Maître Vincent Luchez, Avocat partenaire du blog 83-629.fr
Une condamnation pénale n’enlève pas toute chance d’obtenir une carte professionnelle lors de l’examen d’une demande par le CNAPS. Deux décisions de justice récentes viennent de le rappeler.
Parmi les nombreuses idées fausses qui circulent dans le monde de la sécurité privée, on lit ou entend fréquemment qu’avoir été condamné par une juridiction pénale ferme définitivement les portes de l’emploi aux candidats ou aux agents de sécurité, et que le CNAPS leur refusera fatalement leur carte professionnelle, à plus forte raison si la condamnation est inscrite au casier judiciaire.
Deux décisions récentes de cours administratives d’appel sont venues rappeler qu’il n’en était rien, et confirmer la seule interprétation valable des dispositions du Code de la sécurité intérieure en vertu et sur le fondement desquelles l’administration accorde ou refuse les cartes professionnelles.
La première a été rendue par la Cour administrative d’appel de Lyon (CAA Lyon, 18 février 2016, req. N°15LY03470). Dans cette affaire, mon client n’avait pas réussi à apporter la preuve de son innocence devant le Tribunal correctionnel, et avait été reconnu coupable de tentative d’extorsion. Cette condamnation ne figurait pas à son casier judiciaire. Le CNAPS a dans un premier temps refusé de renouveler sa carte professionnelle, et son refus a été confirmé par le Tribunal administratif de Dijon. C’est à cette étape que j’ai pris en charge les intérêts de l’agent et interjeté appel du jugement devant la Cour, laquelle nous a donné satisfaction en annulant le jugement et la décision du CNAPS.
La seconde décision a été rendue deux jours avant par la Cour administrative d’appel de Nantes (CAA Nantes, 16 février 2016, req. N°14NT01013). La juridiction administrative a jugé que l’agent ne devait pas être privé de son autorisation à raison de sa condamnation, inscrite au bulletin N°2 de son casier judiciaire, pour des faits de conduite d’un véhicule en état d’ivresse et outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique.
Plusieurs enseignements peuvent être tirés de ces décisions.
Premièrement, une condamnation pénale ne fait pas nécessairement obstacle à la délivrance d’une carte professionnelle.
Deuxièmement, l’inscription de cette condamnation au bulletin N°2 du casier judiciaire ne constitue pas non plus un tel obstacle. Cette solution procède d’une lecture précise et rigoureuse de l’article L612-20 du Code de la sécurité intérieure. Celui-ci distingue en effet le cas du pétitionnaire dont le casier n’est pas vierge. Aussi certains pensaient (CAA de Paris, 4 juin 2015, req. N°14PA03651) que dans cette hypothèse, le CNAPS n’avait même pas à examiner les caractéristiques de l’infraction commise, et que le refus devait alors être automatique et systématique. En réalité, le CNAPS conserve toujours un pouvoir d’appréciation, même s’il doit légitimement être plus sévère que lorsque le casier judiciaire est vierge.
Troisièmement, les infractions routières, au moins lorsqu’elles ne sont pas d’une gravité excessive, ne peuvent pas fonder un refus de carte professionnelle, étant donné qu’elles concernent une part de la vie de l’agent sans rapport avec son exercice professionnel. Cette solution prolonge une décision de la Cour administrative d’appel de Versailles (CAA Versailles, 19 février 2013, req. N°12VE02163) qui avait jugé que l’infraction en cause constituait des« faits peu graves, sans rapport avec l’activité professionnelle ».
On ne doit pas déduire de ces développements que les juridictions administratives seraient subitement saisies par un esprit de laxisme, mais simplement qu’elles demandent au CNAPS de procéder à un examen minutieux de chaque cas, en fonction des éléments qui lui sont soumis, et à l’aune des critères que j’avais exposés dans un précédent article. Les agents de sécurité doivent toujours être vigilants et exemplaires, certainement plus que beaucoup le croient, mais pas irréprochables.