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L’UE compte environ 40 000 sociétés de sécurité privées, employant plus d’1,5 million de personnes et fournissant des services allant du soutien logistique à la gestion de prisons et à la protection, en passant par le soutien au combat et la fourniture d’équipements militaires (chiffres de 2013).
Ces sociétés sont également appelées à protéger les délégations de l’UE dans les pays tiers et à assurer la sécurité des installations des missions et opérations de l’UE.
Utilisées par les États membres de l’UE afin de compenser la réduction des forces armées ou pour limiter le recours aux troupes, les sociétés de sécurité privées ont été accusées de violation des droits de l’homme et même d’avoir causé des victimes. Des faits qui ont permis de révéler des lacunes en termes de responsabilité et qui ont eu des conséquences négatives sur les objectifs de politique étrangère de l’UE.
De nombreuses enceintes internationales ont entrepris de réglementer les sociétés de sécurité privées, notamment le Forum du document de Montreux, qui définit la manière dont la législation internationale s’applique à ces sociétés, et le Code de conduite international des entreprises de sécurité privées, qui définit les normes du secteur. L’UE ne dispose pas de règles harmonisées sur ces entreprises et les pratiques relatives à l’utilisation des sociétés de sécurité privées varient grandement d’un État membre à l’autre. L’absence de sanctions communes implique qu’il est difficile de prévenir les abus et peut avoir une incidence sensible sur la façon dont ces sociétés opèrent dans le cadre d’interventions multilatérales et dans les régions en proie à des conflits.
CE QUE VEUT L’EUROPE
Le recours à des contractants privés doit être limité au soutien logistique et à la protection d’infrastructures. De plus, seules les sociétés de sécurité privées basées dans l’UE devraient bénéficier de contrats pour des missions de protection à l’étranger, précisent les parlementaires.
Les députés proposent de dresser une liste ouverte des contractants qui respectent les normes européennes en termes de transparence, de casiers judiciaires, de capacité financière et économique, de licences et de contrôle strict du personnel, et qui adhèrent à un code de conduite international.
Ces mesures pourraient être suivies par un ensemble unique de règles pour les institutions européennes qui font appel à des sociétés de sécurité privées pour protéger le personnel de l’UE, inspiré des pratiques de l’ONU ou de l’OTAN:
Faire appel aux sociétés de sécurité privées pour appuyer les forces militaires à l’étranger
1. rappelle que les sociétés de sécurité privées jouent un rôle central dans le soutien aux organismes militaires et civils nationaux en comblant le manque d’hommes et de moyens découlant des coupes budgétaires et de la demande croissante de forces à l’étranger; souligne que la disponibilité des moyens d’intervention à court terme constitue un avantage supplémentaire offert par les sociétés de sécurité privées;
2. observe que, par rapport aux troupes nationales, les sociétés de sécurité privées, notamment celles qui sont établies dans les pays d’accueil, peuvent donner lieu à des économies considérables et apporter de précieuses connaissances du terrain;
3. souligne que, particulièrement dans le cadre de missions civiles, les économies d’échelle et la concurrence peuvent réduire les coûts par rapport à une prestation de services indépendante effectuée par un organisme militaire ou civil;
4. constate toutefois qu’il est essentiel de veiller à ce que le recours aux sociétés de sécurité privées permette effectivement de réaliser des économies par rapport à des services analogues fournis par l’État; signale que, notamment en situation de crise, cette évaluation peut être difficile à mener et qu’elle est susceptible, si elle est faussée, d’entraîner une hausse des coûts; prie l’Union et les États membres d’être particulièrement prudents lorsqu’ils ont recours à des sociétés de sécurité privées; souligne qu’un examen minutieux est nécessaire afin de vérifier qu’un service particulier peut ou non être réalisé à moindre coût par les forces armées nationales;
Le recours aux sociétés de sécurité privées par l’Union européenne
5. note que l’Union européenne a recours à des sociétés de sécurité privées à l’étranger afin de protéger ses délégations et ses employés, et de soutenir les missions civiles et militaires de la PSDC; souligne que leurs services comblent le manque de moyens auquel l’Union aurait sinon du mal à faire face; exige que la Commission et le Conseil élaborent une synthèse expliquant où, quand et dans quel but il est fait appel à des services de sociétés de sécurité privées pour des missions de l’Union;
6. souligne toutefois que, notamment dans les environnements exposés à un risque de conflit, le recours à des sociétés de sécurité privées pour certaines tâches peut nuire à l’Union en l’associant accidentellement aux acteurs armés dans une zone de conflit – ce qui a des répercussions négatives dans le cas d’incidents armés – ou en risquant de compromettre les efforts de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR) ou encore la réforme du secteur de la sécurité (RSS) par le renforcement, par inadvertance, des acteurs locaux; note en particulier les risques que pose une sous-traitance échappant à tout contrôle;
7. recommande néanmoins que la Commission propose des orientations communes sur le recrutement de sociétés de sécurité privées qui exposent clairement les exigences auxquelles doivent répondre les sociétés de sécurité privées internationales et locales afin d’accéder aux contrats de l’Union, l’objectif étant de remplacer les stratégies hétérogènes actuelles; relève que ces orientations devraient à la fois se fonder sur les meilleures pratiques internationales relatives au comportement et à la gestion des sociétés de sécurité privées, telles que l’ICoC, et tenir compte de la nécessité de faire preuve d’une grande prudence lors de la sélection des sociétés de sécurité privées locales dans un contexte complexe d’après-crise; prie instamment la Commission et le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) d’accorder une nette préférence aux sociétés certifiées par l’ICoC;
8. réclame que la Commission établisse une liste noire des contractants qui ont manifestement enfreint les normes de l’Union;
9. demande instamment à la Commission, au Conseil et aux États membres d’investir dans la recherche de nouvelles techniques plus efficaces, telles que des outils de reconnaissance faciale et de surveillance de la foule dans le contexte des contrôles automatisés dans les aéroports, les stations de métro et d’autres lieux de rassemblement, en coopération avec des sociétés de sécurité privées;
10. exhorte le Conseil et la Commission à recourir à une solution européenne unique de reconnaissance, de surveillance et de renseignement afin de prêter main-forte à tous les États membres; observe qu’un tel système fournirait des renseignements relatifs à la sécurité sans précédent qui contribueraient à améliorer les capacités de réaction en matière de sécurité; recommande d’élaborer une solution de reconnaissance, de surveillance et de renseignement fondée sur une imagerie satellitaire commerciale pour l’Union européenne;
Réglementation des sociétés de sécurité privées
11. recommande que la Commission européenne rédige un Livre vert dans le but d’associer l’ensemble des parties prenantes des secteurs de sécurité privé et public lors d’une vaste consultation et d’un examen général des procédures visant à recenser plus efficacement les avantages d’une collaboration directe et à établir un ensemble fondamental de règles d’engagement et de bonnes pratiques; propose la création de normes de qualité propres au secteur à l’échelle de l’Union;
12. recommande de soutenir la création d’un modèle réglementaire flexible mais rigoureux qui:
– contribuera à surmonter les différences juridiques entre les États membres;
– réévaluera, et donc redéfinira, les stratégies actuelles de collaboration entre les secteurs public et privé;
– répertoriera les sociétés à destination unique ou multiple;
– contextualisera la nature et le rôle précis des sociétés militaires et de sécurité privées;
13. note que les nouveaux cadres réglementaires internationaux, comme le document de Montreux, l’ICoC et d’autres initiatives réglementaires dans le cadre des Nations unies, constituent un progrès évident par rapport au manque de règles significatives qui prévalait encore il y a seulement dix ans;
14. se félicite également des efforts entrepris par de nombreux États membres de l’Union, dans le respect des bonnes pratiques mises en avant dans le document de Montreux, afin d’instituer une réglementation nationale performante sur les sociétés de sécurité privées;
15. remarque toutefois que l’absence de rapports systématiques sur le recours aux sociétés de sécurité privées par les institutions de l’Union et les gouvernements des États membres freine l’évaluation des performances de ces sociétés; encourage les États membres et les institutions de l’Union à fournir plus systématiquement ces informations afin de permettre à leurs autorités budgétaires respectives d’évaluer correctement le recours aux sociétés de sécurité privées;
16. souligne que la nature transnationale des sociétés de sécurité privées et, particulièrement, de leurs activités dans des régions du monde frappées par des crises, engendre souvent des lacunes juridictionnelles qui pourraient compliquer la responsabilisation des sociétés et de leurs employés pour leurs actes; note que, souvent, la réglementation nationale des sociétés de sécurité privées ne s’applique pas en dehors du territoire;
17. prie toutefois instamment l’Union européenne et ses États membres de mettre à profit le statut que leur confère le Forum du document de Montreux afin d’insister sur la nécessité d’évaluer régulièrement le suivi des recommandations du document de Montreux pour l’application des bonnes pratiques par ses participants; exhorte les États membres qui n’ont pas encore adhéré au document de Montreux à le faire dans les meilleurs délais;
18. prie l’Union européenne et ses États membres de faire pression en faveur d’un cadre international plus ambitieux que le document de Montreux, en réglementant les activités des sociétés de sécurité privées, en établissant des règles du jeu équitables afin de garantir que les pays d’accueil ont le pouvoir de réglementer les sociétés de sécurité privées et que les États contractants soient en mesure d’user de leur pouvoir pour protéger les droits de l’homme et empêcher la corruption; souligne qu’un tel cadre doit prévoir des sanctions dissuadant les violations, la responsabilité des auteurs de violations et l’accès effectif aux voies de recours pour les victimes, en plus d’un système d’autorisation et de surveillance obligeant toutes les sociétés de sécurité privées à se soumettre à des audits indépendants et à inscrire leur personnel à des formations obligatoires aux droits de l’homme;
19. souligne que l’un des moyens les plus efficaces pour influencer les sociétés de sécurité privées passe par les décisions du secteur public en matière de passation de marchés; met toutefois en avant l’importance de conditionner l’adjudication de contrats aux sociétés de sécurité privées à l’adoption de meilleures pratiques, comme l’ICoC que certains États membres appliquent déjà; note cependant qu’il convient de renforcer le mécanisme de respect de l’ICoC et d’en garantir la totale indépendance afin qu’il constitue une mesure d’incitation crédible à la mise en conformité;
20. remarque la forte influence dont jouissent l’Union et les États membres dans le secteur mondial de la sécurité en raison du nombre considérable d’acteurs importants ayant établi leur siège au sein de l’Union; met donc particulièrement l’accent sur la prochaine révision de la liste commune des équipements militaires de l’Union, qui doit être l’occasion d’inclure certains services fournis par les sociétés de sécurité privées, de sorte que celles-ci soient soumises aux réglementations en matière d’exportation et tenues d’appliquer les normes standard dans leurs activités à l’étranger;
Prochaines étapes
La résolution sur la sécurité privée a été adoptée par 50 voix pour, 6 voix contre et 1 abstention. Elle sera mise aux voix du Parlement réuni en plénière en juin à Strasbourg.