Table des matières
La DCS et le CNAPS travaillent beaucoup en coulisse, pour « essayer » de faire face à l’énorme besoin en agents de sécurité lors de l’euro 2016, notamment en agent « palpeur ». La DCS compte sur les effectifs « palpeurs » (notamment féminins) issus de la sûreté aéroportuaire… Pourquoi cela ne marchera pas ?
Le problème de légalité lié au CSI et au décret 2005-1122 !
Les différentes « activités » en sécurité privée sont clairement énumérées au sein du Décret n° 2009-137 du 9 février 2009 (article 3).
a) Surveillance humaine ou surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou gardiennage ;
b) Transport de fonds ;
c) Protection physique de personnes ;
d) Agent cynophile ;
e) Sûreté aéroportuaire ;
f) Recherches privées ;
g) Vidéoprotection.
Un agent de sûreté aéroportuaire ne détient pas forcément une carte professionnelle/habilitation « surveillance humaine », qui est obligatoire pour « exercer » une mission de sécurité en « palpation » lors d’événements sportifs ou récréatifs (hors services d’ordre « internes »).
Et, conformément au décret n° 2005-1122 du 6 septembre 2005, l’agent de sécurité doit justifier de son aptitude professionnelle par la détention d’une certification se rapportant à l’activité exercée. Or l’activité de « sûreté aéroportuaire » n’a rien à voir avec celle de la « surveillance humaine (…) »… (objets interdits différents, procédure différente, public différent…).
Le risque juridique est important ! Pour une entreprise de sécurité, faire assurer une palpation de sécurité à des agents de sûreté aéroportuaire, SANS la carte professionnelle qui se rapporte à l’activité exercée… c’est deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende pour l’employeur (L624-8 du CSI) ET six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende pour le salarié (L624-9 du CSI).
BILAN
On ne peut pas légalement « installer » sur les palpations aux entrées des stades, des agents de sûreté aéroportuaire, sans qu’ils soient titulaires de la carte professionnelle « surveillance humaine ». Donc cela nous renvoie au problème d’origine : Où trouvera-t-on autant d’agents de sécurité « carte pro » pour l’Euro 2 016 ?
Et si l’Etat acceptait cela (mettre en place des agents « carte pro sûreté aéroportuaire »… pour une autre mission que la sûreté aéroportuaire), cela ouvrirait une boîte de Pandore : Pourquoi est-ce qu’un agent « carte pro convoyeur de fond » ne pourrait pas faire aussi du gardiennage simplement ? ou pourquoi est-ce qu’un « agent cynophile » ne pourrait pas aussi détenir la carte pro « surveillance humaine » ? Bref la situation du secteur deviendrait chaotique.
Le problème lié au contrat de travail et au changement du lieu de travail et des missions !
Le changement de lieu de travail constitue une modification du contrat de travail si le nouveau lieu de travail se situe dans un secteur géographique différent. Même dans ce cas, il n’y a toutefois pas modification du contrat de travail si le salarié est soumis à une obligation contractuelle ou conventionnelle de mobilité. Le contrat de travail (ou un avenant à ce contrat) peut toutefois prévoir, par une clause claire et précise, que le salarié exécutera son travail exclusivement dans le lieu qu’il mentionne ; dans ce cas, tout changement de lieu de travail, y compris dans le même secteur géographique, constitue une modification d’un élément essentiel du contrat de travail qui ne peut être imposée au salarié.
La modification d’un élément essentiel du contrat de travail (De la sûreté aéroportuaire… à la sécurité « simple » par exemple !) ne peut être imposée par l’employeur, mais seulement proposée au salarié concerné. En cas de refus de ce dernier, il appartient à l’employeur, soit de renoncer à modifier le contrat, soit de licencier le salarié. Il doit alors respecter la procédure de licenciement, le préavis et, le cas échéant, verser des indemnités de licenciement.
BILAN
On ne peut pas imposer le mode de fonctionnement envisagé sans que les entreprises de sûreté aéroportuaire ne prennent un risque « prud’homal » concernant le changement d’affectation et de missions de leurs salariés. Il faudrait en « outre » que les salariés soient d’accord pour cette « mutation ponctuelle ».
Le salaire des « palpeurs » en sûreté aéroportuaire est bien plus cher !
Un salaire d’un palpeur en sûreté aéroportuaire est beaucoup (beaucoup !) plus cher !! Est-ce que les organisateurs de l’Euro 2016 seront prêts à payer ce « surcoût » ? Ci-après les différences majeures entre le coût d’un agent de sécurité classique et celui d’un agent de sûreté aéroportuaire :
Annexe VIII : Dispositions particulières aux emplois de la sûreté aérienne et aéroportuaire
— Salaire d’un agent de sûreté aéroportuaire
Pour rappel, un agent de sécurité « classique » qualifié c’est le SMIC (1 445,38 €), et pour un agent « classique » confirmé c’est coef 130 (1 462,19 €).
Pour les agents de sûreté aéroportuaire, c’est donc plus…
— Coef 150 (coef minimum) : 1 562,38 € (60 € plus cher qu’un SSIAP 1, et plus de 100 € qu’un agent « classique coef 130)
Mais les agents de sûreté aéroportuaire affectés aux postes de filtrage sont souvent de coef 160 (opérateur de sûreté qualifié = 1 648,78 €) ou de coef 175 (opérateur de sûreté confirmé = 1 782,83 €) !!
— Obligation de payer les frais de déplacement (à l’inverse des agents de sécurité « classique »)
— de 0 à 15 kilomètres : 1,50 € pour un aller-retour ;
— de 16 à 30 kilomètres : 2,00 € pour un aller-retour ;
— de 31 à 50 kilomètres : 2,30 € pour un aller-retour ;
— plus de 50 kilomètres : 2,60 € pour un aller-retour.
— Prime panier plus élevé :
— 3,5 €/vacation jour de 6 h (au lieu de 3,33 € pour un agent de sécurité classique)
— 5,17 €/vacation de nuit (au lieu de 3,33 € pour un agent de sécurité classique)
— Majoration heure de nuit et dimanche
— Majoration heures de nuit (21h06h) de 25 % !! (au lieu de 10 % pour un agent de sécurité classique)
— Majoration des heures du dimanche de 50 % !! (au lieu de 10 % pour un agent de sécurité classique)
Déshabiller Paul pour habiller Pierre ! !
Selon le rapport de branche de la sûreté aéroportuaire 2014, l’effectif d’agents de sûreté aéroportuaire est estimé à « seulement » 8 500 personnes !! Entre 2012 et 2013, le monde de la sûreté aéroportuaire a « perdu » 1 050 agents (départs non remplacés).
Or plus de 70 % de ces effectifs sont concentrés sur l’île de France (soit 5 900 agents)! Comment faire pour les stades en province ? Pour eux, impossible de compter sur les « renforts » de la sûreté aéroportuaire. Toujours selon le rapport de branche 2014 sur la sûreté aéroportuaire, plus de 83 % des embauches en 2013 furent en CDD !
Et pendant la compétition, le trafic aérien ne faiblira pas… peut-être même au contraire…
Nous sommes soumis au respect des 35 h, du temps de travail, etc. Comment assurer la sécurité des vols avec des effectifs divisés entre l’Euro 2 016 et les aéroports ? En embauchant plus d’agents de sûreté aéroportuaire ? Mais cela reviendra donc au problème d’origine : comment trouver autant de personnes avec une carte professionnelle !!
SYNTHÈSE
— Il ne sera pas légal de mettre en place des agents « carte pro sûreté aéroportuaire » pour faire de la palpation dans des stades de foot.
— Le coût sera bien supérieur si l’on fait appel à des agents de la sûreté aéroportuaire
— Les employeurs devront avoir l’autorisation des salariés pour être « mutés » légalement sur les stades de foot (avec une contrepartie financière ?)
— Il n’existe pas un « sureffectif » en agents de sûreté aéroportuaire. Les agents qui iront faire les palpations de sécurité à l’Euro 2016 seront remplacés par qui dans les aéroports ?
Bref, il faut chercher ailleurs la solution, peut-être comme la fait le Québec pour faire face aux événements sportifs et culturels, avec des « cartes professionnelles provisoires »… ce qui rejoint ma proposition de création d’auxiliaires de sécurité privée.