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Quatre hommes originaires de Côte d’Ivoire ont travaillé au gardiennage du chantier de démantèlement du barrage de Vezins (Manche). Sans contrat, ni revenus décents. Ils racontent.
Ils vivent chichement, dans une maison louée dans le bourg de Vezins (Manche). Dans une cuisine exiguë au réfrigérateur hors d’âge, les quatre hommes, arrivés au printemps, s’expliquent. Leur volonté : êtres payés et que justice soit faite. Ils ont entre 43 et 50 ans et ont quitté leur Côte d’Ivoire natale pour des raisons politiques. Le chemin les a conduits en France, où ils souhaitent aujourd’hui régulariser leur situation.
C’est la raison pour laquelle ils ont accepté la proposition de la société Européen Optimale Sécurité Privée, basée à Paris.
« En préfecture, on nous avait dit qu’il nous fallait quatre à cinq fiches de paie et une promesse d’embauche afin d’obtenir un titre de séjour », glisse l’un d’eux. C’est cet espoir qui a mené les quatre hommes dans la campagne manchoise.
« Nous cherchons à nous en sortir par la voie légale », poursuit celui qui était spécialisé en informatique dans son pays. Les trois autres ont, eux aussi, un savoir-faire bien loin du monde de la sécurité : cariste-mécanicien, ébéniste ou encore calligraphiste.
« Jusqu’à 478 heures par mois »
Leur mission à Vezins depuis le printemps consistait à assurer le gardiennage du barrage, un chantier parfois présenté comme sensible en raison du débat local sur le maintien ou non de l’ouvrage.
Le premier arrivé, fin avril, dit avoir dû « dormir dans les bois » et travailler 478 heures en un seul mois, à un rythme effréné : « quatorze heures par jour en semaine et 24 heures sur 24 le week-end ». Si les quatre hommes expliquent ne pas avoir vu la couleur d’un contrat ou d’une promesse d’embauche, tant attendus, ils ont obtenu un premier salaire, au début de leur mission.
Le revenu, lui, semble bien maigre par rapport au travail effectué :
« 1 800 € pour d’eux d’entre nous qui avions travaillé plus de 450 heures, 1 200 € pour un troisième qui a fait 220 heures et 400 € pour 68 heures pour le dernier arrivé sur place ».
Depuis, « plus rien » côté revenus. L’un d’eux présente une photocopie de son seul chèque obtenu. Un maigre pécule de départ qui sert à payer le loyer.
Quant à la société de gardiennage, « un employé est venu début août pour nous demander de rentrer à Paris en nous menaçant de ‘nous dégager’ », précise l’un d’eux. C’était quelques jours après le contrôle de l’Inspection du travail, alertée durant l’été.
Depuis le 28 août, les quatre hommes ne retournent plus au barrage, date à laquelle le maître d’œuvre du chantier, Charier TP, a mis fin à la prestation de l’entreprise de gardiennage.
« Depuis, nous avons pris un avocat à Paris », lance l’un des quatre hommes. La Ligue des droits de l’homme a également été alertée par des citoyens locaux venus en soutien.
Une solidarité au village
Dans le village de Vezins, la solidarité s’est mise en place. Une page Facebook a été créée par Didier Marest, qui fait aussi partie des défenseurs de l’ouvrage. Des défenseurs qui ironisent quant à l’aspect « exemplaire » du chantier longtemps évoqué par les services de l’État.
« La solidarité se met en place dans la commune avec la maire et les voisins. Je veux qu’elle soit encore plus forte et une page Facebook a été lancée : ‘Solidarité Vezins‘ », indique Didier Marest. Une manifestation de soutien pourrait également être organisée dans les prochains jours.
La sous-préfecture et l’entreprise Charier, maître d’oeuvre qui avait employé la société de gardiennage comme prestataire, apportent leurs réponses :
L’État, par la voix du sous-préfet d’Avranches Gilles Traimond, dit « ne pas avoir de responsabilité directe » par rapport à ce dossier de travailleurs abusés.
« Nous ne sommes pas le donneur d’ordre de la société de gardiennage employée sur le chantier. Si l’État n’a pas de responsabilité directe, il reste attentif », indique le haut fonctionnaire local, qui dit avoir « signalé à l’Inspection du travail la situation concernant ces quatre personnes » durant l’été. Inspection du travail qui est intervenue début août.
Un contrat suspendu fin août
Le « donneur d’ordre » évoqué par le sous-préfet, c’est l’entreprise Charier, maître d’œuvre du chantier de démantèlement du barrage de Vezins.
La société basée en Loire-Atlantique, par l’intermédiaire d’une société de de communication notamment compétente « en situation de crise » a réagi à la situation via un communiqué de presse.
« Pour assurer la sécurité du site, elle a fait appel à la société de gardiennage Européen Optimal Sécurité Privée à l’issue d’une consultation en bonne et due forme. Après un contrôle de l’inspection du travail, l’entreprise Charier découvre que cette société lui a fourni de fausses attestations », indique le communiqué.
« Suite à cette alerte, elle a mis immédiatement en demeure la société de gardiennage de régulariser la situation. En l’absence de régularisation, l’entreprise a décidé de suspendre son contrat avec Européen Optimal Sécurité Privée et envisage de poursuivre la société de gardiennage en justice ».
Par l’intermédiaire de la direction de la communication, l’entreprise précise également que « le contrat de gardiennage courait sur toute la durée du chantier mais a été rompu le mercredi 28 août ». Un « contrat commercial qui ne comportait pas le nom des salariés » selon Charier TP.
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