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Filtrage, ouverture des sacs et palpations : cela doit-il durer, et jusqu’à quand ? Quelle est l’utilité de ces mesures de sécurité d’après-attentats ?
File d’attente devant le marché de Noël de Tours, place de la Gare. Le vigile demande à une femme d’ouvrir son manteau. Celle-ci répond du tac-au-tac : « Je vous préviens, j’ai rien en dessous ! » Sourires. Autre ambiance à l’entrée d’un magasin de la ville, où, là, un client refuse la démarche de l’agent de surveillance, hausse le ton, s’énerve. Ce ne sont que deux scènes cocasses sur le comportement des Tourangeaux vis-à-vis des mesures de sécurité les concernant depuis les attentats du 13 novembre. Dans leur grande majorité, les gens s’exécutent, résignés, acceptent le filtrage, les palpations.
” Cela rassure, sécurise mais ne protège pas “
Malgré tout, certains se crispent en ouvrant le blouson, rechignent, montrent leur agacement. A la porte du Vinci, pour le salon Vintage des 5 et 6 décembre, un agent admettait : « Il y a bien quelques grincheux. » Un sentiment de malaise est perceptible, autant chez les fouillés que chez des ” fouilleurs ” d’ailleurs, dont l’un d’eux observe : « Pas facile la palpation, délicat, sur les femmes notamment. » Et quand on croise des militaires en armes au cœur de Tours, cela « renvoie à des images de guerre » se désolent des passants.
Ce filtrage aux entrées des grands magasins et des lieux publics est-il encore utile aujourd’hui ? « Il rassure, sécurise mais ne protège pas. Il ne sert à rien » : c’est le commentaire qui revient dans la bouche de beaucoup de Tourangeaux interrogés. Et ce filtrage n’est pas organisé de façon uniforme. Aux meetings politiques pour les régionales, les uns faisaient appel à une société de gardiennage, d’autres à leurs seuls militants : « Si la réunion a lieu dans une salle de spectacle, on doit prendre des vigiles privés, sur ordre préfectoral », explique un organisateur. Dans les commerces, il n’y a pas de règles fixes, et peu de filtrage. Et si fouille il y a, elle est souvent très superficielle, seulement visuelle même parfois. Des grandes surfaces et galeries ont déjà allégé leur dispositif. Pas de contrôle humain non plus à l’entrée des bureaux de vote dimanche passé, sans doute pour ne pas raidir l’électeur. La police municipale est plus discrète.
Faut-il poursuivre ces fouilles, et si oui, jusqu’à quand ? Portent-elles atteinte à nos libertés ? « Il faut accepter les mesures prises mais que cela ne dure pas trop longtemps ! A chacun aussi de faire preuve de civisme, de contacter la police en cas de doutes », répond ce président d’une association de quartier de Tours-Nord. Un vigile privé conclut : « Après les fêtes, ces fouilles risquent d’être plus mal vécues encore qu’aujourd’hui ». Les commerçants du marché de Noël de Tours, eux, sont irrités.
Réflexes conditionnés
Toutes les fouilles du monde ne pourront pas empêcher un kamikaze de faire un carnage. Que l’on sache, l’entrée de Charlie était gardée par des policiers. Ce qui est en jeu dans un pays qui découvre l’état de guerre, c’est de conditionner la population pour qu’elle s’habitue aux contrôles fréquents et quotidiens. Grands magasins, salles de spectacles, lieux de culte… ouvrir son sac ou son manteau devient un réflexe assumé, peu contesté. Dans la foulée, les villes qui ont entendu l’angoisse de leurs administrés, y ajoutent caméras, portiques, brigades de surveillance. Reste à ne pas dépasser la dose de surveillance qui ferait passer la protection au stade de l’intrusion.
Olivier Pouvreau
Les fouilles sont-elles utiles ?
Au marché de Noël à Tours, la police municipale et surtout des vigiles sont présents. – (Photo NR) Filtrage, ouverture des sacs et palpations : cela doit-il durer, et jusqu’à quand ? Quell…