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INTERVENTION DU PREFET CELET, DIRECTEUR DU CNAPS DEVANT L’ASSEMBLEE GENERALE DE L’UNAFOS (30 mars 2016)

Table des matières

Intervention du Préfet CELET, Directeur du CNAPS devant l’Assemblée générale de l’UNAFOS

 

 

J’interviens ici, pour la première fois, devant un public de professionnels de la sécurité privée. Un mois exactement après ma nomination à la direction du CNAPS, établissement que vous connaissez naturellement très bien, et que vous serez amenés à connaître encore davantage dans les mois et années qui viennent. J’y reviendrai.

 

Avant de focaliser mon propos sur la formation, il me semble nécessaire de vous tracer, dans les grandes lignes, ce qu’a été l’année 2015 et ce que sera l’année 2016, pour la filière de la sécurité privée, pour le CNAPS, pour la régulation de la sécurité privée.

De mon point de vue et d’après mes premiers entretiens avec les organisations professionnelles, avec les différentes administrations concernées par la sécurité privée, ce tableau général me semble indispensable pour replacer, ensuite, la formation, c’est-à-dire vos métiers, vos organismes, vos responsabilités à la place, importante, fondamentale, essentielle, qu’ils doivent avoir.

 

 

L’année 2015 a donc été intense. L’année 2016 promet de l’être tout autant.

 

 

 

Tout d’abord, les attentats de janvier et novembre 2015. Ils ont profondément marqué notre pays et votre secteur : des agents de sécurité privée ont été blessés, physiquement ou psychologiquement. Les entreprises ont été sous une forte contrainte, avec une demande accrue, soudaine, pas toujours facile à honorer. Comme vous l’avez évidemment vu, la sécurité privée a été fortement médiatisée, plutôt en positif. Probablement y-a-t-il eu davantage d’articles de presse et de reportages sur la sécurité privée en 1 an qu’au cours des 30 dernières années. Au final, c’est une bonne image qui s’en dégage, celle d’un secteur et de métiers utiles, en cours de régulation, de professionnalisation, celle d’un secteur qui devra encore davantage être lié aux forces publiques, pour atteindre une efficacité d’ensemble accrue.

 

 

Suite à ces attentats, votre secteur en particulier, celui de la formation, a été particulièrement concerné : en effet, suite à une recommandation du Collège du CNAPS, le 19 novembre, un module de « Sensibilisation et de prévention du terrorisme » a été créé, rapidement, avec le soutien et l’apport de l’UNAFOS. Ce module, de 14 heures, a été intégré au CQP « Surveillance des grands événements », créé pour l’EURO 2016, mais surtout sera utilisé, peut-être amélioré, dans le cadre de la révision de l’ensemble des CQP.

 

 

Ce qu’il me semble important de souligner est que la formation aux métiers de la sécurité a été le premier domaine à connaître une évolution normative suite aux attentats. C’est bien la preuve qu’une plus grande professionnalisation du secteur était attendue, à la fois pour réagir face à des attentats mais aussi pour améliorer la protection même des agents de sécurité privée. Ces attentats ont d’ailleurs montré que les agents de sécurité avaient ceci de particulier qu’ils sont, sur les lieux, les « primo-présents », avant même l’arrivée des « primo-intervenants ». Présents aux interfaces des espaces publics et privés, aux frontières, ils sont, par construction, les premiers touchés, les premiers à pouvoir donner l’alerte. C’est dire si la formation, si l’aptitude professionnelle, les compétences, l’acquisition de réflexion est déterminante dans un tel contexte terroriste, et cela sans doute pour plusieurs années.

 

 

D’autres évolutions pourraient avoir lieu, comme l’armement, le recours aux chiens de détection d’explosifs, sujets actuellement à l’étude au ministère de l’Intérieur. Pour le moment, je tiens à le préciser, d’autant que nous recevons un grand nombre de sollicitations pour nous exposer des programmes et contenus de formation en matière d’armement, il s’agit d’une réflexion en cours, d’une définition des principes qui pourraient être retenus. Nous n’en sommes pas à l’écriture détaillée d’un texte réglementaire, probablement un décret si le processus va à son terme.

 

 

Vous aurez remarquez que tous ces sujets devront être traités sous l’angle, à un moment ou un autre, de la formation : c’est même la condition essentielle, la garantie pour que l’extension de certaines prérogatives et missions se réalisent dans le cadre d’une bonne acceptabilité sociale, politique et professionnelle.

 

 

De ce fait, la loi relative au dialogue sociale, dite loi Rebsamen, votée cet été, arrive à point nommé :

 

cette loi, qui va permettre la mise en place d’un contrôle de la formation, était attendue il est vrai depuis plusieurs années, après un travail de diagnostic important de la part des inspections générales de plusieurs ministères et un grand nombre de réunions, de concertation, auxquelles l’UNAFOS et votre Président ont largement été associés.

 

Le contrôle des organismes de formation, des examens, de leur réalité, du sérieux des jurys permettra de faire le ménage dans le secteur, afin que les organismes sérieux puissent sortir du lot, mais surtout que les candidats sortent correctement et réellement formés. Vous percevez bien, dans le contexte actuel, combien une absence de formation, combien un faux diplôme, combien un examen de complaisance, seraient risqués et intolérables. Utile hier et réclamé par vous, le contrôle de la formation est désormais indispensable et réclamé par tous.

 

 

L’année 2016 ne paraît pas moins intense, avec les attentats récents en Belgique, avec l’arrivée à grands pas de l’EURO 2016. De ce point de vue, vous savez qu’une carte professionnelle spécifique « Surveillance des grands événements », avec un CQP spécifique de 105 heures, a été mise en place. Elle ne paraît pas rencontrer un franc succès, et la carte d’agent de sécurité privée classique semble privilégiée. Dont acte. L’initiative a peut-être mis du temps à être concrétisée, s’est trouvée peut-être alourdie, mais peu importe, il faut davantage voir cela comme une assurance, comme possibilité d’accélérer et de faciliter le recrutement si nécessaire.

 

Il n’en demeure pas moins, pour l’EURO 2016, que nous risquons de connaître un afflux de demandes dans les dernières semaines. D’une part, je vous indique que l’établissement a d’ores et déjà pris des dispositions, c’est-à-dire des recrutements spécifiques, pour faire face à cet éventuel afflux, dans toutes les délégations concernées par les matchs et fans zones.

Par ailleurs, je vous conseille fortement, à vous mais surtout, bien évidemment, aux prestataires de sécurité privée, d’anticiper le besoin en agents, la possibilité que certains ne puissent entrer en formation pour des raisons de moralité et donc de prévoir un volant supplémentaire de candidats.

 

Anticipez également, autant que faire ce peut, les demandes d’autorisations d’entrer en formation. De ce point de vue, la Convention signée récemment entre l’UNAFOS et le CNAPS, pour permettre des demandes groupées, sous la gestion de l’UNAFOS, peut désormais être mise en œuvre. Ainsi, vos organismes recevront, très rapidement, l’information indiquant la possibilité de prendre tel ou tel en formation.

 

 

 

Alors, vous le comprenez désormais, l’année 2016 et probablement les suivantes seront celles de la formation, de sa professionnalisation, et au final de la professionnalisation du secteur de la sécurité privée. Je n’ignore pas que vos organismes êtes aussi soumis à la loi commune sur la formation professionnelle et qu’il n’est sans doute pas évident de la mettre en application. Vous entrez, tout comme avant vous les prestataires de sécurité privée, dans une phase de régulation, qui n’est pas, parfois, sans être déstabilisatrice. Elle permettra, bien évidemment, de retrouver une concurrence saine entre les organismes : les fraudeurs devront être sanctionnés, voire exclus. Mais, comme toute régulation survenant dans un secteur non régulé, cela induit des mises à niveau, des adaptations, des questionnements.

 

 

Pascal Gérard, directeur adjoint chargé des opérations, vous détaillera les modalités de mise en œuvre de la loi Rebsamen, à partir du décret d’application en cours de finalisation. Il passera d’ici dix jours devant le Conseil d’Etat. Vos représentants ont largement été associés à ce travail.

 

 

Je veux ici en rappeler les grands principes du dispositif qui entrera en vigueur progressivement à partir du 1er juillet 2016 :

 

  • Sont concernés les organismes privés, et non pas les organismes publics comme les lycées, les GRETA, l’AFPA, y compris s’ils délivrent un CQP. C’est le choix qui a été fait dans la loi.
  • Contrôle de la moralité pour le dirigeant de l’organisme de formation, de la même manière que pour les entreprises de sécurité privée
  • Autorisation de l’organisme de formation, qui devra fournir son numéro d’enregistrement DIRECCTE. Nous pourrons d’ailleurs, par ce biais, travailler avec les services régionaux de contrôle de la formation professionnelle.
  • Certification à obtenir par l’organisme de formation dans un délai de 6 mois. Cette certification est une innovation : en effet, le référentiel de certification est en cours d’élaboration, il donnera lieu à un arrêté du ministère de l’intérieur et définira les exigences techniques et organisationnelles des organismes de formation aux métiers de la sécurité privée. C’est sur cette base qu’un certificateur agréé COFRAC pourra délivrer la certification. Mais c’est aussi sur cette base que le contrôle du CNAPS pourra s’effectuer. Bien sûr, quelques autres réunions sont encore nécessaires pour finaliser cet arrêté relatif au cahier des charges de cette certification et en déterminer la portée.

 

Au-delà d’un contrôle administratif formel, c’est bien cet arrêté, ce cahier des charges qui sera fondamental pour assainir le secteur de la formation et le monter en qualité.

 

 

Bien sûr, les premiers mois seront consacrés à la mise en œuvre de la police administrative, c’est-à-dire l’autorisation des organismes. Le contrôle viendra dans un second temps, plutôt vers la fin de l’année 2016. D’ici là, nous aurons à travailler encore ensemble, sur des modalités plus techniques, voire informatiques, car le CNAPS va entrer dans l’ère de la dématérialisation. Vos demandes d’autorisation se feront donc, comme pour l’ensemble des autorisations délivrées par le CNAPS, par ce biais.

 

 

Autres éléments à prendre en compte, pour vous comparer un peu à ce que vous pouvez connaître par rapport aux activités privées de sécurité :

 

  • Il n’existe pas d’exclusivité de l’activité de formation en sécurité privée ;
  • Les organismes de formation devront déclarer leur session de formation, d’examen, leur report ainsi que le CQP ou titre préparé.
  • L’action disciplinaire s’exercera devant les CIAC, les recours devant la CNAC et les recours contentieux devant les juridictions administratives.
  • Aucune taxe n’a été définie, contrairement aux entreprises de sécurité privée.

 

Je veux souligner ici un impact qui sera direct sur la moralisation du secteur de la formation : la conjonction entre l’instruction des demandes d’entrée en formation et de cartes professionnelles et l’autorisation des organismes de formation et leur déclaration de sessions de formation, d’examens va permettre un croisement quasi-automatique des données. C’est-à-dire qu’il ne sera techniquement pas possible de délivrer une carte professionnelle à un demandeur dont le titre de formation, qui possède une date et un porteur (i.e. un organisme de formation) n’est pas valide ou n’a pas été régulièrement délivré. Cela sera d’autant plus aisé à mettre en œuvre par le biais de la dématérialisation, par le biais du croisement systématique des listes d’organismes autorisés, de CQP/titres autorisés, des dates et lieux d’examen, des diplômes transmis par les demandeurs. Une forme de big data salutaire en matière de formation à la sécurité privée va ainsi se mettre en place, sans peut-être que tous les acteurs en aient pris conscience.

 

 

Mais, bien sûr, la moralisation n’est pas le seul objectif. Pour reprendre le tableau général tracé en début de propos, je voudrais compléter ce survol du dispositif mis en place en indiquant que la formation continue va devenir obligatoire, notamment pour obtenir le renouvellement de la carte professionnelle. Ici, d’autres réunions seront nécessaires pour en fixer le contenu, probablement aux alentours d’une semaine de formation mais aux modalités à mieux détailler et préciser. La réflexion est encore ouverte à ce stade.

 

 

Je voudrais conclure en indiquant que le contrôle de la formation, des organismes, n’est peut-être qu’une étape.

Nous verrons, bien sûr, les résultats produits, les effets induits, volontaires ou non prévus, sur le secteur. Des adaptations seront nécessaires. Le CNAPS lui-même, depuis sa création il y a plus de 4 ans, a connu des adaptations, des corrections, par voie législative ou par décret. Nous serons attentifs à corriger ce qui devra l’être, en lien avec vous.

 

Mais pensez aussi qu’il ne s’agit peut-être que d’une étape car, avec vous, nous aurons à nous pencher plus fortement, et sans doute assez rapidement, sur les contenus de la formation, sur les modalités de leur définition, de leur contrôle.

  • Je sais que certains d’entre vous auraient souhaité, par exemple, que les formateurs soient mieux contrôlés, aient une obligation de formation plus contraignante.
  • Je sais également que des regroupements d’examens, notamment théoriques, pourraient être envisagés, sur une base volontaire, pragmatique, pas systématique. Il faut y réfléchir, sans rejet a priori et en tenant compte des contraintes, bien réelles, de votre activité.
  • Enfin, sur les contenus mêmes, nous avons à travailler sur la coproduction de sécurité : peut-on envisager qu’un module de « Sensibilisation et de prévention du terrorisme » puisse être davantage encadré, défini avec les forces publiques, qu’il bénéficie du RETEX des attentats ? Vous avez eu d’ores et déjà des démarches en ce sens et l’avez construit en vous rapprochant, de manière ad hoc, avec des policiers et des gendarmes. Peut-on aller plus loin ? Peut-on œuvre pour une coproduction de sécurité qui passe par une coproduction de la formation aux métiers de la sécurité privée, chacun dans son rôle en respectant vos impératifs économiques – la formation est effectivement un marché – et l’impératif de sécurité dans une chaîne globale.
  •  

 

Sur ces sujets, tant immédiats que davantage prospectifs, vous avez sans doute beaucoup d’éléments, de questions, de propositions à apporter. N’hésitez pas à nous en faire part.

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