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Thierry Coudert a été nommé délégué aux coopérations de sécurité en juin dernier. Pour le magazine Sécurité Privée, il a accepté de se soumettre au jeu des questions/réponses et d’apporter un éclairage concret et précis sur ses priorités, sa vision de la coproduction et les relations qu’il a d’ores et déjà établies avec les acteurs de la sécurité privée. Entretien.
Vous avez été nommé délégué aux coopérations de sécurité en juin dernier. Une délégation toute nouvelle. Comment appréhendez-vous cette mission ? Quelles sont vos priorités ?
J’appréhende cette mission avec ardeur. Elle est dans le prolongement direct de ma carrière, qui m’a vu tantôt au sein du corps préfectoral sur le terrain rencontrer un certain nombre de métiers avec lesquels je suis aujourd’hui chargé d’entretenir le dialogue, tantôt au sein de cabinets ministériels que j’ai dirigés travailler nationalement sur certaines problématiques qui sont au cœur de ma délégation. Evidemment, dès le premier mois, j’ai eu à cœur de rencontrer la quasi-totalité des représentants des professions concernées, au premier rang desquels Claude Tarlet et ses équipes de l’ANAPS et de l’USP. J’ai trouvé avec bonheur des professionnels responsables et conscients des enjeux de leur secteur d’activité, qui ont su accompagner et amplifier les efforts de moralisation et de professionnalisation conduits ces dernières années, qu’ils sont prêts à poursuivre ; le thème le plus urgent étant sans doute la formation.
Ma principale priorité est d’identifier en lien avec la profession un certain nombre de sujets qui pourront faire l’objet de réformes rapides, simples, pragmatiques, que je soumettrai au ministre, et qui aboutiront au plus vite par voie réglementaire ou conventionnelle. La sécurité privée arrivant à l’âge de maturité, mon objectif sera également de renforcer les coopérations entre les diverses activités de sécurité moderne, qu’elles soient du ressort du privé ou relèvent des prérogatives régaliennes de l’État.
Parmi vos attributions, figure notamment la conduite d’un dialogue entre les représentants des polices municipales et le secteur de la sécurité privée. En quoi consiste concrètement ce dialogue ? Quels sont vos objectifs dans ce cadre ?
Le décret du 28 février 2014 me confie en effet la tâche de conduire le dialogue entre l’Etat et aussi bien les représentants des polices municipales que de la sécurité privée, afin d’améliorer globalement la sécurité locale sur les territoires de la République, par le biais de la mise en place de coopérations opérationnelles renforcées. Face aux permanents et légitimes besoins de sécurité exprimés par nos concitoyens, il est nécessaire qu’une collaboration entre tous ceux qui concourent à la production de sécurité en France se concrétise, notamment par la généralisation de bonnes pratiques. J’y prendrai toute ma part, avec comme seul objectif une meilleure sécurité des Français. Concrètement, dans l’optique d’une plus grande efficacité des policiers municipaux, je travaille par exemple à un meilleur accès à des fichiers utiles à l’exercice de leurs attributions.
Au-delà du dialogue, quelles sont les coopérations et les échanges que vous souhaitez impulser entre les acteurs de l’ordre public, les entreprises de sécurité privée et de vidéoprotection ?
Concernant les activités de surveillance, on observe une demande sans cesse renouvelée de la part des entreprises et des collectivités locales en matière de vidéoprotection, qui représente une aide précieuse à la prévention de la délinquance ainsi qu’à l’élucidation des délits, et qui est maintenant globalement acceptée dans notre société comme un outil au service de la sécurité commune.
A propos des collectivités locales qui souhaiteraient s’équiper, l’Etat peut les accompagner, les aider, voire les conseiller : j’ai notamment en charge au sein de la Délégation l’instruction et le suivi des dossiers de financement de la vidéoprotection.
J’observe par ailleurs au sujet des entreprises privées de sécurité qu’elles sont plus que désireuses de répondre à la demande de vidéoprotection : je serai à leur disposition pour les accompagner dans leur montée en gamme très prononcée en terme de nouvelles technologies, afin de compléter les activités historiques de main d’œuvre. J’ajouterai que je travaille à dissiper des interprétations variables localement sur le dossier de la « levée de doute » : une circulaire sera bientôt prise sur le sujet.
Quelle est votre vision de la coproduction sécuritaire entre ces différents acteurs pour les prochaines années ?
Il est essentiel de renforcer le partenariat qui doit s’établir avec plus de cohérence et de confiance entre les forces de sécurité publique et la sécurité privée. Le dialogue n’a pas toujours été naturel ni spontané.
En France, la demande de sécurité a augmenté, sans que l’Etat ait nécessairement vocation à assurer l’intégralité de la réponse à ce besoin. Comme l’a rappelé Bernard Cazeneuve, le rôle de l’Etat est de « veiller à donner aux activités privées de sécurité un cadre qui garantisse tout à la fois la qualité des prestations et le respect des règles qu’impose le pacte républicain ». L’assainissement du secteur progresse, notamment grâce au CNAPS, sous la présidence d’Alain Bauer, qui s’est imposé comme l’organisme de régulation et de discipline de la sécurité privée. J’ai d’ailleurs profité de mes premières semaines à la tête de la délégation aux coopérations de sécurité pour nouer des relations de travail confiantes avec son directeur, Jean-Yves Latournerie, et ses équipes. La sécurité privée a vocation à étendre ses activités, mais une frontière claire restera marquée : pas de privatisation de la sécurité en France. A titre d’exemples concrets, je travaille actuellement à l’extension éventuelle des conventions de coordination qui existent déjà à l’échelle des centres commerciaux, ou encore à une réflexion soutenue avec les professions exposées afin que cessent les attaques inacceptables dont elles font l’objet (par exemple le bouton-poussoir, ou les produits marquants codés). Enfin, l’Euro 2016 sera une bonne occasion de coopération à grande échelle entre les différentes forces qui concourent à la sécurité en France.
Quel message souhaitez-vous faire passer aux représentants des entreprises de sécurité privée ?
Ma porte leur est ouverte en permanence, pour à la fois poursuivre l’effort de moralisation du secteur, et prendre avec eux un certain nombre d’initiatives visant à favoriser une meilleure lisibilité des conditions juridiques d’exercice des métiers de la sécurité privée. Mes instruments privilégiés seront le dialogue, l’écoute et la concertation. Une autre boussole orientera ma mission : le soutien à la rentabilité des entreprises, afin de préserver et créer des emplois dans ce secteur par nature non délocalisable. Je veux aussi leur dire que, loin d’être une mise sous tutelle de l’Etat, la coproduction de sécurité que je défends aura pour ambition réelle de générer des gains partagés entre forces publiques et entreprises privées. Mes premières impressions me poussent de toute manière à penser que, de chaque côté, les bonnes volontés affichées permettront d’obtenir des avancées rapides en matière de partenariats, dans le but assumé que la sécurité globale du pays s’en trouve renforcée.
Entretien avec Thierry Coudert
Thierry Coudert Thierry Coudert a été nommé délégué aux coopérations de sécurité en juin dernier. Pour le magazine Sécurité Privée, il a accepté de se soumettre au jeu des questions/r…