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19 novembre 2023, Crépol, Drôme. Le bal d’hiver vire au cauchemar : une attaque ciblée, brutale, meurtrière. Thomas Perotto, 16 ans, meurt sous les coups de couteau. Seize autres jeunes sont blessés. Et au milieu du chaos, des agents de sécurité privée. Certains perdront des doigts en tentant de s’interposer. Ce détail, glaçant, n’est pas un effet de style. Il est réel. Brutal. Ignoré.
Des agents exposés, mais effacés
Dans la question écrite du député Alexandre Sabatou (RN) , transmise le 24 mars 2025 au ministre de la Justice, ces professionnels ne sont évoqués qu’en une ligne : « des vigiles ont perdu des doigts ». Rien sur leur rôle, leur témoignage, leur statut. Un oubli symptomatique.
Ces agents sont pourtant ceux qu’on place en première ligne dans les événements festifs, souvent avec des moyens limités, une autorité juridique restreinte, et une absence totale de filet de sécurité institutionnel. À Crépol, ils ont tenté d’empêcher l’irréparable. Et ont payé cher.
Le procès-verbal "oublié"
La véritable onde de choc survient le 14 mars 2025. Le livre Une nuit en France révèle l’existence d’un procès-verbal, rédigé cinq jours après les faits. Ce document contient une dizaine de témoignages concordants évoquant le caractère racial de l’attaque : l’usage de l’expression « planter des Blancs », des insultes ciblées selon l’origine ou la couleur de peau, et le mot « Gwer », entendu dans une vidéo.
Ce PV aurait été « mal classé » ou « mis de côté ». Pourquoi ? À ce jour, le parquet refuse toujours de retenir les circonstances aggravantes liées à la race, l’ethnie ou la religion. Et la réponse du ministère se fait attendre.
Une violence tue, l'autre efface
On retient les morts, les blessés, les tensions communautaires. On oublie les agents de sécurité. Pourtant, ils étaient là. Ils ont agi. Sans armes, sans instruction claire sur l’usage de la force, sans reconnaissance ensuite.
Ce silence illustre le mépris structurel dans lequel on tient la sécurité privée. Présente partout, mais considérée nulle part. Sauf quand il faut encaisser les coups.
Un signal inquiétant
La République ne peut se permettre de fermer les yeux sur les angles morts d’une affaire aussi grave. Le traitement judiciaire du dossier de Crépol soulève des questions fondamentales : sur l’égalité de traitement des victimes, sur la qualification des faits, mais aussi sur la manière dont l'État considère ceux qu’il délègue pour protéger les citoyens.
Les agents de sécurité ne sont pas des variables d’ajustement. À Crépol, ils ont été des remparts humains. Aujourd’hui, ils sont des fantômes dans un dossier national.