Table des matières
Avec les moyens dont elles disposent, aucune société de gardiennage n’est en mesure de faire face à une attaque terroriste comme celle qui a ciblé le site gazier d’In Amenas.
L’attaque du site gazier de Tinguentourine, commise le 16 janvier par un commando de mercenaires islamistes, continue de susciter de nombreuses interrogations sur le système mis en place pour la protection des sites sensibles en Algérie. Interrogé à ce propos, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, rappelons-le, est revenu sur le dispositif de sécurité autour de ce site.
Le premier ministre, A. Sellal, a expliqué qu’il existe trois niveaux de protection. Le premier cercle est interne à l’infrastructure. Il est pris en charge par des sociétés de gardiennage qui assurent le contrôle des badges et la sécurité intérieure des bases-vie et des usines. Le deuxième niveau concerne la périphérie extérieure des infrastructures, dont la protection incombe aux gendarmes qui ont des brigades à proximité et assurent l’escorte des expatriés. Le troisième niveau constitue le cercle le plus large, dont la sécurité est du ressort des unités de l’ANP dépendant des commandements des secteurs opérationnels au niveau de chaque chef-lieu de wilaya.
Contactés, de nombreux responsables de sociétés de gardiennage ont accepté de défendre leur métier, mais sous le couvert de l’anonymat étant donné la sensibilité de la question. Tous sont unanimes à affirmer que la réglementation algérienne qui définit la création et le fonctionnement de ces sociétés est la plus contraignante ; elle ne laisse aucune marge d’erreur ou de mauvaise appréciation et n’existe que dans de rares pays. «Les sociétés de gardiennage, que n’importe quel Algérien peut créer, sont les seules entreprises soumises à une procédure d’agrément. Leurs propriétaires et leurs gestionnaires sont soumis à une double enquête d’habilitation et d’homologation : une au niveau des délégués de la sécurité de chaque wilaya et une autre au niveau du ministère de l’Intérieur. Ces enquêtes peuvent durer jusqu’à huit mois avant que l’accord soit donné», révèle un de nos interlocuteurs. Il précise qu’il existe deux types de sociétés : «Celles qui assurent leur mission avec des armes, comme dans les sites sensibles, et celles qui se chargent de la sécurité intérieure d’entreprises non exposées.»
Il évoque la protection armée des sites sensibles en soulignant : «Il faut savoir que pour avoir un permis de port d’armes, y compris pour le personnel recruté parmi les anciens militaires, gendarmes ou policiers, il faut passer par une enquête d’habilitation et le paiement d’une somme de 5000 DA pour chaque permis. C’est vous dire que la réglementation est très astreignante en matière de sécurité. Nous ne pouvons pas transporter nos armes d’un site à un autre sans une escorte de la gendarmerie et sans que les armes soient démontées. Elles doivent être séparées de leurs percuteurs et chacune des parties est transportée à part, par route, et toujours escortée par les gendarmes même si c’est une ville située à l’extrême sud du pays. Sur le site à protéger, les armes doivent être séparées, les pièces attachées avec une chaîne et mises dans des coffres-forts scellés au mur ou au sol. Il faut savoir que les sociétés de gardiennage n’ont droit qu’à des armes légères, des pistolets automatiques ou des kalachnikovs, répertoriées chez la Gendarmerie nationale, qui détient aussi le fichier balistique de nos armes.»
Le règlement de sécurité est élaboré par des bureaux d’audit étrangers
Tous nos interlocuteurs s’accordent à révéler que sur les sites sensibles dont ils assurent la sécurité, leur mission se limite à vérifier les badges, l’accès des véhicules, la fouille des personnes étrangères, etc. L’armement qu’ils détiennent n’est pas à la hauteur du risque auquel ils font face. Ils précisent : «Avant que le contrat ne soit signé avec la compagnie, celle-ci a déjà un autre contrat avec les sociétés étrangères qui assurent l’audit et le consulting en matière de sécurité, à l’image de Control Risk, Géos ou encore Serving. Elles évaluent le risque potentiel et déterminent un règlement de sécurité en hygiène et en sécurité (HSE), qui existe dans toutes les entreprises. Ce règlement détermine l’emplacement et le nombre de guérites ou de miradors, de caméras, le système d’alarme et d’alerte, le périmètre de sécurité, etc. Notre mission à l’intérieur de ces sites est bien définie et réglementée. Elle n’est pas faite pour répondre au risque terroriste.»
Un responsable d’une société qui a obtenu des marchés de sécurité au sud du pays, tout comme bon nombre de ses homologues, est formel : «Aucune entreprise de gardiennage n’a les moyens de faire face à une attaque terroriste de l’ampleur de celle d’In Amenas. Cette rude épreuve doit donner à réfléchir à nos dirigeants. Seule l’ANP est en mesure de prendre en charge cette menace qui, faut-il le préciser, vient de connaître une évolution extrêmement dangereuse avec le recours aux mercenaires et aux armes les plus redoutables, disponibles juste à côté de nos frontières.»
Abondant dans le même sens, un autre cadre d’une société de gardiennage, ancien officier de la gendarmerie, estime que les sites sensibles du sud du pays comme du nord doivent être protégés par les unités de l’armée qui ont les moyens adéquats pour empêcher toute attaque du type de celle d’In Amenas. «Les terroristes possèdent de l’armement lourd.
Savez-vous qu’un fusil à pompe ou un pistolet, qui est l’arme que nous utilisons, a une portée de 70 m, alors que les terroristes ont des kalachnikovs avec des portées de 200 m, des fusils-mitrailleurs d’une portée de 800 m, les mitrailleuses lourdes de canons de 23 mm et de 14,5 mm ont des portées respectives de 2000 et 1500 m ! Celles-ci sont des armes antichar et anti-aviation, comment voulez-vous que nos éléments puissent mettre en échec une attaque menée avec de telles armes, qui faut-il le préciser, sont à la portée de tous les terroristes qui sont au-delà de nos frontières ?
Ces groupes ont les moyens d’une armée», note un autre patron d’une société de gardiennage.
Pour lui, les autorités doivent revoir le dispositif de sécurité dans les alentours immédiats des sites sensibles. «Il faut que ces sites deviennent des citadelles imprenables. L’armée a les moyens d’installer des sections d’une trentaine d’hommes bien armés, dotés de moyens de communication moderne et de chars légers. Ces sections de gendarmes ou de militaires doivent être installées dans le périmètre immédiat du site, afin de rendre l’intervention plus efficace», affirme notre interlocuteur, qui souligne : «C’est vrai que le risque zéro n’existe pas ; sachant que les citadelles les plus protégées peuvent être prises de l’intérieur. Néanmoins, si un périmètre de sécurité est bien gardé et que la sécurité interne du site est bien assurée, le risque d’une attaque réussie devient insignifiant.»
Nos sources se disent «conscientes du danger» qui guette les sites stratégiques au sud du pays, mais gardent l’espoir que les leçons de l’attaque d’In Amenas soient tirées. «Cet attentat a été un échec pour les terroristes, mais il doit permettre de revoir toute la stratégie de protection de nos infrastructures économiques notamment celles situées en plein désert.»
Salima Tlemçani
source:
http://www.elwatan.com/actualite/un-dispositif-de-securite-a-revoir-24-01-2013-200724_109.php