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Les « Entreprises Militaires et de Sécurité Privée » : outil indispensable ou abandon par l’Etat de ses prérogatives de souveraineté ?

Table des matières

Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale
Session Nationale n° 62
Comité 2
Rapport remis le 30 juin 2010

 

 

Ce rapport a été rédigé par le « Comité 2 » de la Session Nationale n°62 de l’Institut des hautes études de la Défense nationale, qui rassemble 15 personnalités venues d’horizons divers : société civile (élus, entreprises, organisations non-gouvernementales, associations et « relais d’opinion »), haute fonction publique (justice, défense, enseignement et recherche) et corps des officiers supérieurs (gendarmerie, terre, marine, air, Direction générale de l’armement). Il est le résultat de lectures et de débats et consultations menés entre septembre 2009 et mai 2010. Les auteurs remercient vivement les personnes qui ont accepté de les recevoir dans le cadre d’auditions, ainsi que le secrétariat général du Conseil constitutionnel et la Direction du Renseignement Militaire.

Sur une question aussi fondamentale que celle de la souveraineté nationale, la diversité initiale des points de vue au sein du Comité a laissé la place à un consensus, comme il se doit en matière de défense et de sécurité nationales. Ce consensus n’est pas fondé sur un « plus petit dénominateur commun », mais sur une ambition partagée par les membres du Comité 2 et, au-delà, par les auditeurs de la Session Nationale de l’IHEDN : celle de contribuer à doter la France d’un outil de défense moderne, dans le respect de ses traditions, de ses valeurs et de sa vocation. C’est cette ambition, et plus encore, le partage de cette ambition au sein de notre Comité qui a animé notre travail.

 

Les EMSP : un défi au maintien de la souveraineté nationale au coeur de l’engagement militaire.

On ne peut qu’être frappé par la palette de services développés en quelques années par les « Entreprises Militaires et de Sécurité Privée »1 (renseignement, formation, soutien aux opérations, soutien logistique, conseil en matière de doctrine…), jusqu’à couvrir tout le spectre des activités autrefois dévolues aux armées, y compris dans le domaine du combat. Aujourd’hui, sur le théâtre afghan, près de 60 % du personnel engagé par les Etats-Unis est employé par une EMSP… Pourtant le simple constat de l’émergence massive du marché des EMSP au niveau mondial (environ 200 milliards de dollars, près d’un million d’employés) ne saurait suffire à justifier le recours par l’Etat à ces nouveaux acteurs de la guerre, notamment lorsque leurs prestations relèvent de missions de défense et de sécurité jusqu’alors considérées comme « régaliennes ». On affirme souvent que la France est en retard en matière d’externalisation et de recours aux EMSP. En l’occurrence, dans un domaine qui ne souffre pas la précipitation, celui de la doctrine, ce « retard » est le temps de la réflexion. Il permet notamment à la France de bénéficier d’un grand nombre de retours d’expériences, principalement américains et anglais, tout en consultant des partenaires internationaux eux-aussi dans une phase de réflexion.

S’il convient de favoriser, dans une certaine mesure, l’externalisation en matière de défense, c’est toujours en ayant à l’esprit les intérêts supérieurs de la nation et de l’Etat, protégés au premier chef par le « bloc de constitutionalité ». Que nous dit le socle constitutionnel ? Il arrête que la détermination des « principes fondamentaux de l’organisation générale de la Défense nationale » relève de la seule compétence de la loi, et donc de la souveraineté, laissant aux pouvoirs constitués et au Conseil constitutionnel le soin de trancher la question des prérogatives exactes de l’Etat. En outre, il affirme la nature « publique » de la force chargée de défendre les droits de l’homme et du citoyen2, sans exclure explicitement, il est vrai, le recours à des forces supplétives privées. Si les textes constitutionnels ne suffisent pas, évidemment, à l’établissement d’une doctrine en matière d’EMSP, ils nous donnent donc quelques indications.
Si l’on quitte maintenant la lettre de la loi pour en étudier « l’esprit », les penseurs du concept de souveraineté et les théoriciens de l’Etat ont affirmé le nécessaire monopole de l’Etat sur la légitimité de la violence et sur son exercice. La violence exercée par l’Etat doit être le prolongement de la loi et rester de sa compétence exclusive : elle n’est « légitime », en théorie, que parce qu’elle promeut l’intérêt général et les valeurs qui unissent la communauté nationale. Les agents de cette violence légitime doivent être l’émanation directe de l’Etat, totalement dédiés à la légitimité du souverain et non à des intérêts privés par nature changeants.

La Constitution s’ouvre sur les symboles de la république : c’est bien qu’il y a également, outre la lettre et l’esprit de la loi, une dimension imaginaire de la souveraineté. Sur le plan symbolique, l’externalisation de la prise de risques liée à la guerre remet en cause la communauté de destins d’individus qui, dans leurs mythes fondateurs républicains, et notamment à celui de Valmy, se sont unis pour combattre eux-mêmes une menace commune et défendre leur souveraineté. Pourquoi évoquer ici les mythes ?

 

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