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Le CNAPS peut-il vous reprocher des faits pour lesquels une décision de classement sans suite a été prise par le Parquet ?

Table des matières

Par notre partenaire Maitre Vincent Luchez

 

 

Nous avons vu dans un précédent article que le demandeur d’une carte professionnelle à qui le CNAPS la refuse alors que son casier judiciaire est vierge n’est pas toujours à même de comprendre les motifs d’une telle décision.

Jusqu’en 2012 existait une autre idée reçue également source de déceptions, selon laquelle une infraction ayant fait l’objet d’une décision de classement sans suite par le Parquet devait disparaître des fichiers d’informations du Ministère de l’intérieur, et ne pouvait pas être invoquée par l’administration pour refuser une carte au terme de l’enquête administrative.

 

Or, avant 2012, une décision de classement sans suite n’entraînait pas l’effacement des informations des fichiers STIC ou JUDEX et n’interdisait pas la prise de connaissance par les agents de l’administration. Simplement, les fichiers devaient obligatoirement être mis à jour et mentionner ledit classement, mais uniquement dans l’hypothèse où il avait été motivé par une insuffisance de charges.

 

Certains commentateurs avaient cru lire dans une décision de justice administrative (CAA Marseille, 27 mars 2012, N°11MA01421, Khamzat) la preuve que l’administration n’avait pas le droit de fonder son refus sur des faits ayant donné lieu à classement sans suite. En réalité, elle était parfaitement fondée à le faire, mais avait en l’espèce commis une « erreur de fait » uniquement parce que le Parquet avait classé en raison d’une identification insuffisante de l’auteur de l’infraction.

Finalement, les bonnes nouvelles arrivent aussi dans le monde de la sécurité privée, et ce qui n’était qu’une erreur est devenue réalité – sauf en ce qui concerne l’effacement automatique – grâce à l’adoption de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, puis du Décret n° 2012-652 du 4 mai 2012 relatif au Traitement d’Antécédents Judiciaires (TAJ, successeur de STIC et JUDEX).

 

L’article 11 de la loi du 14 mars 2011 a été intégré à l’article 230-8 du Code de procédure pénale, il dispose :

 

« Les décisions de non-lieu et, lorsqu’elles sont motivées par une insuffisance de charges, de classement sans suite font l’objet d’une mention, sauf si le procureur de la République ordonne l’effacement des données personnelles. Les autres décisions de classement sans suite font l’objet d’une mention. Lorsqu’une décision fait l’objet d’une mention, les données relatives à la personne concernée ne peuvent faire l’objet d’une consultation dans le cadre des enquêtes administratives prévues à l’article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité. »

 

Le Décret de 2012 a inséré un article R.40-29 au Code de procédure pénale, précisant la disposition législative :

 

 « Dans le cadre des missions, enquêtes ou interventions prévues à l’article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995, les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l’exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par les personnels de la police et de la gendarmerie habilités selon les modalités prévues au 1° et au 2° du I de l’article R. 40-28. »

 

Par la suite, le Ministre de l’Intérieur a rappelé ces avancées à l’Assemblée Nationale (Question n°228, 14ème législature, JORF du 22 mars 2013, page 3169) à propos du TAJ :

« De même, les procédures judiciaires qui ont fait l’objet d’un classement sans suite et qui ne donnent pas lieu à effacement [c’est-à-dire autres que celles motivées par une insuffisances de charges pour lesquelles le Procureur aura ordonné l’effacement] ne seront pas consultables dans le cadre des enquêtes administratives préalables à certains recrutements. »

 

Résumons : lorsque le CNAPS vous refuse une carte professionnelle en invoquant une ou des procédures judiciaires qui vous mettent en cause en qualité d’auteur d’une infraction, alors qu’une ou des décisions de classement sans suite sont intervenues en votre faveur, alors ce refus est illégal, étant donné que ses agents n’étaient pas légalement autorisés à consulter les informations relatives à ces procédures.

 

En pareille hypothèse, la décision du CNAPS devra faire l’objet d’un recours gracieux auprès de son auteur ou d’un recours administratif préalable obligatoire auprès de la Commission Nationale d’Agrément et de Contrôle, en prenant garde à la fois aux délais réglementaires – au risque d’être privé de votre droit de la contester – et de ne pas desservir votre cas en essayant de justifier vos actes passés… alors que juridiquement le CNAPS n’est pas sensé en avoir pris connaissance.

 

Maître Vincent Luchez, Avocat à la Cour

www.luchez-avocats.fr/

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