Table des matières
Article 21
Les agents peuvent employer la force pour assurer la protection des personnes et des biens dans le cadre des dispositions des articles 122-5 à 122-7 du code pénal.
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AVIS FAIT AU NOM DE COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 1674) relatif aux activités privées de protection des navires,
PAR Mme ANNE-YVONNE LE DAIN, Députée
Le présent article précise que les agents peuvent employer la force pour assurer la protection des personnes et des biens dans le cadre des dispositions des articles 122-5 à 122-7 du code pénal.
Il convient tout d’abord de souligner qu’il n’est pas fait mention de l’article 122-4 du code pénal, qui prévoit que « [n]’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal ». En effet, comme le prévoient les dispositions de l’article 8 du présent projet de loi, les agents des équipes privées de protection ne disposent d’aucune prérogative de puissance publique.
L’emploi de la force est donc conditionné, aux termes du présent article, à l’existence d’une situation de légitime défense impliquant un usage proportionné des armes. Les articles du code pénal mentionnés permettent de considérer qu’une personne n’est pas pénalement responsable si :
— « devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, [elle] accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte » (article 122-5 du code pénal, premier alinéa) ;
— « pour interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit contre un bien, [elle] accomplit un acte de défense, autre qu’un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l’infraction ».
L’article 122-6 du code pénal établit une présomption de légitime défense en faveur de celui qui use de la force :
— « pour repousser, de nuit, l’entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité » ;
— « pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence ».
Ce dernier cas de figure devrait logiquement concerner l’action des équipes privées de protection.
Enfin, l’article 122-7 du code pénal écarte la responsabilité pénale d’une personne « qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ».
Les faits justificatifs que constituent la légitime défense et l’état de nécessité ne peuvent être invoqués que lorsque l’acte pénalement répréhensible était à la fois nécessaire et proportionné. Il convient de souligner que
l’appréciation de l’existence d’une situation de légitime défense ou d’un état de nécessité est éminemment personnelle. Elle sera appréciée, en cas d’usage de la force, du point de vue de l’équipe de protection qui a fait feu.
En tout état de cause, le capitaine ne pourrait donner aux agents de protection des instructions les conduisant à faire usage de la force en dehors des cas prévus par ces articles. S’il le faisait, il ne pourrait, en aucun cas, exonérer de responsabilité pénale l’auteur du tir. C’est ainsi que dans le cas où des atteintes volontaires à la vie ou à l’intégrité d’une personne, non justifiées par la légitime défense, résulteraient directement d’un ordre donné par le capitaine, celui-ci pourrait être regardé comme complice de l’infraction, en application de l’article 121-7 du code pénal (1). (« Est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation”. « Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre. »)
Il paraît donc difficile, en principe comme en pratique, d’envisager que le capitaine puisse substituer son appréciation à celle des agents de protection quant à l’existence d’une situation de légitime défense.
Concrètement, si le capitaine du navire devait donner un ordre que l’agent de l’équipe de protection considérerait comme n’entrant pas dans le cadre de la légitime défense ou de l’état de nécessité – que cet ordre soit d’employer la force, ou au contraire de ne pas l’employer – l’agent serait fondé à pas appliquer cet ordre puisque c’est sa responsabilité pénale qui sera, au premier chef, mise en cause.
En conclusion, la situation juridique est la suivante :
— l’appréciation de la légitime défense est une appréciation individuelle de l’agent de protection (ce qui n’empêche pas que les procédures de recours à la force définies par l’entreprise et la formation tant juridique que technique de l’agent de protection, l’aident à former ce jugement) ;
— le capitaine ayant autorité sur les membres de l’équipe, il peut donner des ordres : dans ce cas, il partage la responsabilité des éventuelles conséquences ;
— si le capitaine donne l’ordre d’utiliser la force, l’agent de l’équipe de protection peut ne pas obéir s’il estime qu’un tel emploi de la force ne respecte pas le cadre du présent projet de loi.
La Commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 21 sans modification.