🐾 Aline et Taïko : portrait d’un binôme d’élite en détection d’explosifs

Conductrice cynophile dans le privé depuis 2017, Aline a construit un parcours solide, exigeant, et résolument tourné vers l’excellence. Son chien, Taïko, fait désormais partie des rares working cockers certifiés Cynodex en France. Ensemble, ils incarnent une profession souvent méconnue mais essentielle à la sécurisation des grands événements.

Une vocation née dans l’ombre… et une promesse tenue

Aline, 35 ans, a mis les deux pieds dans le secteur en 2017. Comme beaucoup, elle a d’abord intégré une société privée de détection d’explosifs avec un chien mis à disposition par l’employeur. "Je suis tombée amoureuse de ce métier, mais j’ai vite compris que je ne pourrais pas m’y épanouir sans mon propre chien", explique-t-elle. Car dans ce milieu, l’animal ne vous appartient pas toujours. Et lorsqu’elle quitte sa première entreprise, elle doit aussi laisser derrière elle son binôme canin.

Pas question d’en rester là. En 2020, elle achète Taïko, un chiot working cocker issu d’un élevage belge reconnu dans le monde cynotechnique. "C’était un rêve que je m’étais promis de réaliser." Dès son plus jeune âge, Taïko l’accompagne partout, y compris sur les missions. Il observe, s’imprègne. À un an et demi, il commence sa formation spécifique à la détection d’explosifs.

Cynodex, formation de pointe et certification nationale

Contrairement à une idée répandue, la formation des agents cynophiles en détection d’explosifs est très encadrée. Depuis le 1er janvier 2024, impossible d’exercer dans l’événementiel sans l’examen Cynodex, une certification professionnelle portée par la branche sécurité privée et validée par l’État.

Aline a suivi l’ensemble du cursus :

• Formation APS (Agent de prévention et de sécurité),
• Formation Cynodex, composée de 361 heures en centre agréé,
• Examen final à Biscarrosse, sous la supervision conjointe d’un policier et d’un gendarme.

Cinq épreuves sont au programme :

1. Recherche olfactive sur 144 boîtes contenant ou non des explosifs (boîtes mémo),
2. Détection d’un colis piégé parmi six contenants,
3. Sécurisation de cinq véhicules,
4. Recherche longue (30 minutes dans un environnement complexe),
5. Recherche courte sur deux zones.

C’est cette certification, obtenue en avril 2024, qui officialise Taïko comme chien détecteur d’explosifs. Une reconnaissance rare, et le fruit d’un travail quotidien rigoureux.

Jeux Olympiques : au service de la sécurité américaine

L’été 2024 marque un tournant. Aline et Taïko sont mobilisés pour les Jeux Olympiques de Paris sur plusieurs sites sensibles :

• Quai de livraison du Bourget : inspection des camions avant entrée au village olympique,
• Village olympique : intervention sur colis ou bagages abandonnés,
• Vélodrome de Saint-Quentin et Château de Versailles : contrôle des véhicules et sécurisation des équipements.

Mais surtout, ils sont affectés quotidiennement à la délégation américaine de basketball. À chaque déplacement, ils inspectent les bus, les sacs, les vestiaires, les salles d’entraînement, les effets du staff. "Chaque jour, c’était une nouvelle mission, un nouveau lieu à sécuriser. Il fallait être irréprochable, discret, et réactif."

Une activité soutenue… pensée pour préserver le chien

Taïko n’est pas un gadget. C’est un partenaire de travail. Et Aline veille scrupuleusement à son bien-être.

« Un chien motivé est un chien qui prend encore son travail comme un jeu. Le jouet est sa récompense, pas la friandise. Il ne travaille pas pour moi, mais pour le plaisir de trouver. »

Pour préserver ses capacités, Aline limite ses interventions. "Je ne veux pas user ses capacités olfactives. Je refuse les missions qui enchaînent trop de volumes sans repos."

Lorsqu’il ne travaille pas, Taïko reste actif : promenades, stimulations mentales, présence dans les locaux de la société CF Cyno Explo où Aline est aussi responsable d’exploitation. Il est régulièrement mobilisé pour des remplacements ponctuels sur le réseau RATP, en cas d’absence ou de blessure d’un autre chien.

Roland-Garros, rugby, Star Ac’… il a tout fait

Le binôme ne s’est pas arrêté aux JO. Depuis son entrée en service, Taïko a multiplié les missions :

• Roland-Garros : vestiaires des joueurs, salons VIP,
• Coupe du Monde de rugby : véhicules et bagages,
• Salon de l’Agriculture, Salon de l’agroalimentaire : sécurisation ciblée,
• Concerts (Mylène Farmer, entre autres), plateaux TV (Star Academy),
• Matchs de l’équipe de France.

Chaque intervention exige préparation, discrétion, efficacité. "Il faut tout vérifier sans ralentir le dispositif. Notre travail, c’est d’être invisibles mais décisifs."

💶 Une spécialité à responsabilités… mais pas toujours mieux payée

Contrairement aux idées reçues, la détection d’explosifs dans le privé ne garantit pas un salaire élevé. Même sur des missions sensibles comme les JO ou les tournages télévisés, la grille salariale reste globalement alignée sur la convention collective.

Dans la détection d’explosifs, les agents cynophiles certifiés Cynodex ne sont pas payés au rabais. Mais ils ne touchent pas non plus de primes mirobolantes. Aline l’explique clairement :

« Les contrats sont généralement en coefficient 175 ou 190, selon la convention collective. Et on a presque toujours un véhicule de service. »

Ce que ça donne concrètement en 2024 :

• Coefficient 175 : 2 263,66€ (14,925€ brut/heure)
• Coefficient 190 : 2 433,91 € (16,047 € brut/heure)

Missions JO ou prestige ?

Sur les Jeux Olympiques, les salaires ont peu varié. Ce sont des vacations longues, très exposées, mais souvent rémunérées comme une mission classique, avec parfois des primes modestes ou un défraiement élargi. L’attractivité repose davantage sur la valeur de la mission que sur sa rentabilité financière.

Une fierté pour la sécurité privée

La reconnaissance de la Société Centrale Canine comme "Chien Héros" est plus qu’un titre. C’est une reconnaissance pour l’ensemble de la profession. "Les gens ne réalisent pas que les agents cynodex passent leur examen devant des forces de l’ordre. Que ce soit moi ou un agent de police, c’est le même jury, la même exigence."

Aline revendique son métier, mais aussi le choix de la race de son chien. "Le working cocker, ce n’est pas un chien de canapé. C’est un athlète, un bourreau de travail. Mais il faut savoir s’adapter, ce n’est pas un malinois. C’est plus vif, plus têtu, mais parfois plus fin."

Aujourd’hui, ils sont moins de dix en France à avoir validé le Cynodex avec cette race.

À retenir

• L’activité de détection d’explosifs en sécurité privée est strictement réglementée : carte pro APS + certification Cynodex.
• Le Cynodex exige une formation complète (361h) et un examen national encadré par la Police et la Gendarmerie.
• Les chiens certifiés ne peuvent être utilisés que pour la détection d’explosifs, dans des missions déclarées à la préfecture (article L613-7-1A CSI).
• La reconnaissance "Chien Héros" attribuée à Taïko valorise toute la filière privée de sécurité cynophile.
• Le travail avec un chien suppose une préparation constante, une gestion fine de la fatigue, et une cohérence entre formation, missions et repos.

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